Dans l'univers tumultueux de l'art expressionniste, une pièce maîtresse ne cesse de captiver l’imagination : "Le Cri" d'Edvard Munch. Cette œuvre emblématique, datant de la fin du XIXe siècle, continue de fasciner et d'interroger les spectateurs à travers les générations. A travers cet article, explorez les origines, les significations cachées et l'impact culturel de cette peinture iconique.
Qui était Munch ?
Edvard Munch est né en 1863 à Ådalsbruk, un village de la municipalité de Loten, en Norvège. Fils de Christian Munch, médecin militaire aux revenus modestes, et de Laura Cathrine Bjølstad, fille de riches agriculteurs, Edvard est le cadet turbulent d’une fratrie de cinq enfants. À l'âge de cinq ans, il perd sa mère des suites de la tuberculose, plongeant la famille dans le désarroi. Sa tante, Karen Marie Bjølstad, prend alors en charge le foyer, partageant avec la mère défunte une passion pour l'art.
Jeune et fragile, Edvard poursuit ses études secondaires à l'école de la cathédrale de Christiania, accablé de bronchites chroniques et de poussées fiévreuses. A ses 14 ans, sa soeur aînée décède la phtisie - une des formes de la tuberculose. Sa plus jeune soeur, Laura Cathrine, est rapidement diagnostiquée comme souffrant de « mélancolie » (aujourd’hui dépression grave) et finira sa vie à l’asile. Des cinq enfants, seul son frère Andreas devenu médecin, se marie, mais il meurt brusquement d'une pneumonie quelques mois après son mariage. Ces expériences traumatisantes ont profondément influencé son art, lui donnant une sensibilité sombre et tourmentée.
Malgré son désir de devenir peintre, son père l'oblige à étudier l'ingénierie. Munch étudie alors deux années à l'école technique avant de se consacrer très sérieusement à l'art. Il étudie les anciens maîtres et se lie d'amitié avec d'autres étudiants en peinture. Il reçoit des conseils du célèbre naturaliste norvégien Christian Krohg. En 1885, Edvard Munch rejoint l'école royale de design. La même année, il commence à travailler sur son tableau emblématique, "L'Enfant malade", qui reflète une expérience personnelle douloureuse. Munch considère ce tableau comme un tournant dans son art, malgré la critique initialement négative.
Munch affine son art lors de voyages en Europe, surtout en France et en Allemagne. Ses techniques de prédilection sont essentiellement la peinture et la tempera sur carton. Il est aussi un pionnier de l'art accessible à tous, un art dévoilé, montré et non caché, dans les rues et les espaces publics, dans les divers lieux de nature. Considéré comme le pionnier de l'expressionnisme dans la peinture moderne, il est réputé pour son appartenance à une nouvelle époque artistique en Allemagne et en Europe centrale.
Edvard Munch décède à Ekely, sa propriété près d'Oslo, le 23 janvier 1944, à l'âge de 80 ans, des suites d'une pneumonie. Avant sa mort, il a légué à la mairie d'Oslo la majeure partie de sa collection personnelle, comprenant environ un millier de tableaux, 4 500 dessins et aquarelles, six sculptures, ainsi que divers autres biens et propriétés. Paradoxalement, ses funérailles ont été organisées par les autorités nazies norvégiennes, mêlant commémoration publique et célébrations populaires.
Analyse de Le Cri
Le Cri, cette œuvre expressionniste magistrale d'Edvard Munch, évoque l'angoisse profonde de l'homme moderne. Dans ce tableau visionnaire, l'artiste saisit l'essence tourmentée de l'existence. Le fjord d'Oslo en toile de fond, une véritable symphonie de l'âme. Considérée comme l’oeuvre la plus importante de l’artiste, l’une des versions de Le Cri est vendue par Sotheby's à New York pour l’astronomique somme de 120 millions de dollars.
Intégré à “La Frise de la vie”, un ensemble d'œuvres inachevé, Le Cri existe en cinq versions. Chaque incarnation révèle une nouvelle facette de la tourmente intérieure. Une lithographie, témoignage de la vision singulière de Munch, complète ce chef-d'œuvre, empreinte de résonances intemporelles.
Ce tableau est essentiellement un travail autobiographique basé sur une vision qu’a eu Munch alors qu’il se promenait avec ses amis. Dans son journal daté 1892, il explique : "Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang. Je m'arrêtai, fatigué, et m'appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j'y restai, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l'univers et qui déchirait la nature."
Contrairement à la première impression, où l'on pourrait croire que le personnage principal pousse le cri, il est possible qu'il soit plutôt terrorisé par celui-ci. Son geste de se couvrir les oreilles renforce cette interprétation. D'après son journal, ce “cri infini" serait un fantasme lié à l'intense émotion que Munch a ressentie face à une nature à la fois saisissante et perturbante. Le personnage effrayé, souvent identifié à l'artiste lui-même, incarne avant tout son angoisse existentielle.
Selon des astrophysiciens américains, l’impressionnant coucher de soleil que dépeint Munch aurait une origine scientifique. Le 27 août 1883, le volcan Krakatoa en Indonésie connaît l'une des plus grandes éruptions jamais enregistrées, provoquant des tsunamis dévastateurs. Le fracas de cette éruption, atteignant au moins 172 décibels, résonne à près de 4800 km à la ronde. Les cendres volcaniques se dispersent dans l'atmosphère, colorant les couchers de soleil d'une teinte rougeoyante, potentiellement observée par Munch. Ce spectacle apocalyptique éveille vraisemblablement des émotions intenses en lui, qu'il exprimera dix ans plus tard sur sa toile. Les tonalités rouges flamboyantes se prêtent parfaitement à l'allégorie de la douleur qui transparaît dans son œuvre.
En 1978, l'historien de l'art Robert Rosemblum émet une théorie audacieuse concernant les sources d'inspiration de Munch pour son personnage singulier. En 1889, l'artiste réside à Paris, où se déroule l'Exposition Universelle. À cette occasion, il aurait contemplé les momies du peuple péruvien Chachapoya. Que ce soit la posture, la teinte de peau ou encore les traits, ces momies présentent des similitudes troublantes avec le personnage du Cri.
En 1895, Le Cri fait son entrée fracassante dans le monde de l'art à la galerie Blomqvist d'Oslo. Les critiques fusent, mettant en doute la santé mentale d'Edvard Munch, certains allant même jusqu'à le qualifier de fou. Sur la version exposée au Nasjonalmuseet de Norvège, une inscription énigmatique trône dans le coin supérieur gauche : "Ne peut avoir été peint que par un fou". Des analyses récentes révèlent que Munch lui-même a inscrit cette phrase, taquinant ainsi ses détracteurs.
L'impact culturel du célèbre tableau "Le Cri" de Munch transcende les frontières de l'art pour influencer de nombreux aspects de la culture populaire. Depuis sa création, cette œuvre iconique a captivé les esprits et inspiré une multitude d'interprétations et de références.
Des personnages emblématiques tels que le masque de Ghostface dans la saga Scream ou l’affiche emblématique du film "Maman, j'ai raté l'avion" trouvent leur origine dans les traits saisissants du personnage tourmenté de Munch.
Cette omniprésence dans la culture populaire témoigne de la puissance évocatrice de "Le Cri" et de son impact indélébile sur l'imaginaire collectif, confirmant ainsi sa place en tant que symbole universel de l'angoisse et de l'expression artistique intemporelle.
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