La Critique : Leurs enfants après eux (2024)
- Chloé B.
- 21 janv.
- 4 min de lecture
Quatre étés pour explorer les premiers émois, la violence sociale et une France populaire. La rédaction a pu voir Leurs enfants après eux et poser quelques questions aux réalisateurs.


Été 1992, Anthony, interprété par Paul Kircher, a 14 ans, il s’ennuie. Il est avec son cousin. Ils décident de traverser un lac à la nage et ils croisent la route de Stéphanie. Anthony a un coup de foudre. Le soir même, il se rend à une soirée pour rejoindre cette fille, avec la moto de son père. Mais le lendemain matin, le deux-roues n’est plus là. Ce coup de foudre lui coûte des ennuis. Il rêve, il découvre l’amour, il est en quête constante de liberté. Un peu d’espoir, qui guide le film vers une aventure d’amour et de violence.
Le projet initial venant de Gilles Lellouche, était d’adapter le roman en série. Interpellés par celui-ci, les jeunes réalisateurs sautent le pas. Ludovic et Zoran Boukherma, frères jumeaux et partenaires de films, en sont à leur troisième film. Après leur dernier long-métrage Teddy, sorti en 2020, ils proposent cette fois-ci, une œuvre surprenante. Adapté du prix Goncourt de Nicolas Mathieu, le film mêle romance, violence, conflits familiaux, déterminisme social et adolescence. L’enjeu ? Réussir à transformer l’imaginaire d’un livre.
Un film qui parle de tout pour tout le monde

Les personnages sont en quête de rêve et de sens, au milieu d’une ville industrielle qui les enferme. Les frères dépeignent cette France des années 90 et ajoutent des références historiques comme la coupe du monde de 98. La musique rythme le film, en passant de Florent Pagny à Iron Maiden, les mélodies collent à la peau des personnages. La bande sonore, composée par Amaury Chabauty, est l’élément accrocheur de cette œuvre. Visuellement, Leurs enfants après eux se distingue par ses couleurs chaudes, et ses paysages industriels qui donnent parfois un effet un peu écrasant. L’une des forces du film, c’est cette photographie utilisée. Les détails des personnages sont visibles par des plans rapprochés. Notamment sur le corps de ces jeunes adolescents, qui se découvrent et apprennent à s’aimer. Ils utilisent différents genres que l’on retrouve dans les pages du livre.
“Pendant notre lecture, on a vu des genres, comme le western. On voit que l’auteur aime le cinéma. Quand on lit, c'est cette impression que l’on a. Il parle de vitesses et de plans”, nous expliquent les réalisateurs.
Une scène a attiré notre attention. Celle d’un ‘duel’ entre Hacine et Anthony. Hacine défile le long du bâtiment, la caméra le suit en faisant un travelling vers la droite, fixée sur le profil du personnage. En haut, sur le toit des garages, son ami qui marche devant lui.

Arrivée à Anthony, la caméra tourne en 180° pour laisser apparaître à l’écran les deux adolescents. Ces mouvements dynamisent la scène, la rendant plus réaliste, tout en laissant apparaître le genre western.
Personnages miroirs, mais rivaux
Les deux frères Boukherma ont grandi à Agen, proche de la campagne, dans une France populaire. Leur film met en avant une lutte des classes, observable par les différents personnages. Ils sont ancrés dans un décor, dont ils dépendent totalement. C’est le cas pour Hacine interprété par Sayyid El Alami, qui ne peut pas s’échapper. Il est contraint à évoluer dans un espace restreint. Il ne s’envolera jamais de la ville.
On retrouve deux personnages miroirs. Deux rivaux, se faisant la guerre, mais qui sont tout à fait identiques : Anthony et Hacine. Le sentiment de vengeance entre ces deux personnages représente une menace pour le héros du film. Mais leur ressemblance se note au niveau de leur vie. Anthony et Hacine ne franchissent pas les barrières de la ville, contrairement à Stéphanie pour ses études. Ils restent tout simplement où ils ont toujours vécu. Cependant, la construction du personnage d’Hacine n’est pas assez développée. Manque de temps ou choix scénaristique, l’histoire d’amour entre les jeunes l’emporte parfois sur ces thématiques sociales.
Les enfants semblent condamnés à reproduire le même schéma que leurs aînés : Patrick et Malek. L'un est interprété par Gilles Lellouche, le père d’Anthony et le second par Lounès TazaÏrt, celui de Hacine. Ils sont issus du même monde, ils travaillent ensemble. Pourtant, le film n’est pas dénué d’espoir. Il suggère, parfois, que malgré la dureté du quotidien, il existe toujours un petit espace pour la révolte, pour l’évasion et pour l’amour.
📢 Nous avons eu le privilège de poser quelques questions aux réalisateurs. Rencontre avec Ludovic et Zoran Boukherma, lors de leur avant-première au cinéma Pathé Wilson à Toulouse.

Pourquoi avoir choisi cette photographie dans le film ? Pourquoi des couleurs aussi chaudes ?
On voulait que ce soit un film solaire et qu'il soit beau esthétiquement. On a associé l’ennui des jeunes à la canicule. On trouvait que ça collait bien, rigole les deux frères.
On voulait filmer avec des pellicules, mais on n’a pas pu. Alors on a pris une image de 16 mm pour donner cet aspect.
Comment s’est passé l’écriture et le storyboarding de vos plans ?
Le week-end, on prenait notre téléphone et on partait sur les lieux de tournage. On essayait plusieurs plans pour voir ce qui nous plaisait et puis on testait le jour du tournage de la scène.
Pourquoi autant de musiques ?
Quand on était au lycée, on prenait le bus et on mettait nos écouteurs et puis le temps du trajet, on inventait des scénarios. Pour ce film, on a cherché à associer les personnages à des musiques. On a mélangé des musiques qu’on écoutait quand on était adolescents, à des musiques américaines.
Comment vous définirez la place de la femme/adolescente dans votre film ?
On voulait que la fille (Stéphanie) soit vue à travers les yeux du garçon (Anthony). La façon dont il peut regarder son visage et son corps, en le traduisant à la caméra par différents plans. On ne voulait absolument pas sublimer les personnages féminins, au contraire, on a voulu les mettre au même niveau que les hommes. Puis, de ne pas sexualiser le personnage de Stéphanie, mais plutôt de voir qu’elle est un modèle pour Anthony.
Leurs enfants après eux est toujours en salles. Trouvez votre séance
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