La Critique : Anora (2024)
- Julie B.
- 17 déc. 2024
- 2 min de lecture
“I love collisions !” - j'adore les collisions - déclare Sean Baker dans une interview accordée à Quotidien. Qu’elles soient symboliques, ou physiques… Dans Anora, juste après que les personnages manquent d’écraser un New Yorkais, celui-ci hurle “Fucking russians !” - putain de russes. Les États-Unis sont la toile de fond de la filmographie du réalisateur. La raison première : on écrit mieux depuis ce que l’on connaît. Mais aussi car ce pays regorge d’histoires à narrer, comme il le dit dans un entretien avec le magazine Trois couleurs :
“Tout y sonne tragique et drôle à la fois, tout y est grotesque et sublime, c’est un conte de fées et un cauchemar en même temps.”
Ici, c’est New York, qui comporte sans doute une histoire par mètre carré, le milieu des strip-clubs et la communauté russo-américaine qui se retrouvent sous les projecteurs du cinéaste.

Ce film est aussi l’histoire d’une collision entre deux mondes totalement différents, celui du riche fils d’oligarque russe Vanya et celui de la jeune russo-américaine Anora. La rencontre se produit par le biais du club de striptease dans lequel officie cette dernière à New York.
Enfin, les genres se heurtent également. Ainsi, la première partie du film se déploie comme une histoire de romance presque trop belle et à l’esthétique trop léchée, qui vient nous questionner sur la tournure que va prendre le récit. Celui-ci prend un tournant diamétralement opposé au moment où la famille du jeune millionnaire fait irruption, propulsant l’histoire et les personnages dans un genre comique très réussi.

On peut saluer la grande marge de manœuvre confiée à la jeune Mikey Madison dans son personnage, qui a ainsi co-écrit les danses de strip avec une chorégraphe sans se voir imposer des mouvements par le réalisateur. En s’étant plongée à fond dans des recherches préliminaires, elle incarne Anora de manière incandescente et crève l’écran par son intensité, que ce soit lorsqu’elle crie (de manière prolongée) ou en agissant avec une nonchalance tout à fait new-yorkaise. On l’a vue dans Scream, Once Upon a time in Hollywood, et on espère la revoir après cette consécration !

J’ai été prise dans cette expérience rocambolesque et ai vécu à l’unisson les rebondissements mélodramatiques ou humoristiques avec le reste de la salle, comme le préconise fortement Sean Baker. En effet, c’est un farouche défenseur de l’expérience en salle, et c’est pour lui ce qui “fait” un film, ce qui l’ancre.
Le cinéma indépendant américain a encore de beaux jours devant lui, et cela vaut le coup de donner à Anora l’attention qu’il mérite en vivant le film en salle obscure. Si Sean Baker aime l’entrechoquement parfois brutal des mondes, son but premier reste ainsi de réunir à travers ses films : pari réussi !

Récompensé d'une Palme d'Or à Cannes, Anora est toujours en salles. Trouvez votre séance
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