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Ida B.

L'importance de la restitution du patrimoine culturel Africain

La question de la restitution du patrimoine culturel africain est devenue un sujet d'importance mondiale. Depuis des décennies, les objets d'art africains ont été dispersés dans des musées occidentaux, loin de leurs terres d'origine. Cette pratique soulève des questions éthiques et historiques cruciales.

Dans cet article, nous examinerons en profondeur l'importance de la restitution du patrimoine culturel africain, en mettant en lumière les cas des bronzes du Bénin, tout en explorant les implications et les défis liés à ce processus.




Enjeux morals et historiques


La restitution du patrimoine culturel africain ne se limite pas à un simple acte de justice historique. C'est aussi une question morale et éthique fondamentale. Les objets d'art africains détenus dans des collections occidentales sont souvent perçus comme des trophées de la colonisation, témoins d'une période sombre de l'histoire africaine. Leur retour en Afrique représente un geste de reconnaissance de l'héritage culturel et artistique des peuples africains.

Le musée du Quai Branly - Jacques Chirac à Paris, abritant une collection de 70 000 œuvres, est au centre des débats sur la restitution. Les appels à restituer ces œuvres existent depuis longtemps, mais c'est en 2017, lors d'un discours à Ouagadougou, qu'Emmanuel Macron a intensifié la discussion.



Suite à ce discours, l'Elysée a commandé un rapport sur les conditions de restitution, révélant que près de 46 000 objets, acquis pendant la colonisation, pourraient être concernés, selon les auteurs Bénédicte Savoy et Felwine Sarr.

Aujourd'hui, le président français va même plus loin en annonçant la confirmation d'une future loi-cadre qui sera bientôt soumise au Parlement.



Alors que le rapport commandé par l’Elysée se focalise sur les institutions publiques, les acteurs du marché de l'art affirment avoir leur légitimité dans la constitution des collections. “Nous sommes moralement tout à fait pour l'existence de musée en Afrique. Le terme de restitution qui, quand même fait penser à une espèce de repentance judéo-chrétienne, est un petit peu irritant. Mais à part ça je crois qu'il est en effet très important de fonder des musées en Afrique” confiait le galeriste Bernard Dulon au micro d’Arte.


Il est important de souligner que ce ne sont pas les musées, mais les États qui prennent les décisions concernant ces restitutions. Ces processus sont des démarches juridiques longues, étroitement surveillées et hautement débattues, comme l'explique la sénatrice Catherine Morin-Desailly, à l'initiative d'une proposition de loi sur le sujet des restitutions des biens culturels :

La finalité c'est de disposer d'un cadre, d'une méthodologie, de critères de restituabilité pour faire retourner un certain nombre d'oeuvres vers les pays d'où ils proviennent. Devant l'émergence de beaucoup de demandes de restitution, (…) on s'est dit qu'il fallait peut-être réfléchir à des critères qui permettraient d'éviter ces lois dites de circonstances pour être plus efficace, sans non plus encombrer l'agenda parlementaire.


Certaines œuvres réclamées par leurs pays d'origine revêtent une importance cultuelle, voire sacrée. Ces restitutions revêtent donc un double enjeu de réparation et de réappropriation de l'histoire pour les pays anciennement colonisés.




Les Bronzes du Bénin


Les bronzes du Bénin, un ensemble remarquable d'œuvres d'art, ont été pillés par les troupes coloniales britanniques en 1897 lors du saccage du palais royal de Bénin City. Ces œuvres, symboles de l'histoire et de la richesse culturelle du royaume du Bénin, se retrouvent aujourd'hui dispersées dans des musées européens. Leur restitution est une demande légitime et pressante du peuple béninois, qui réclame la récupération de son patrimoine culturel.


Plaques en bronze de Benin City au British Museum
Plaques en bronze de Benin City au British Museum

Les bronzes du Bénin sont devenus des symboles de l'oppression en Afrique. Le 23 mars 2019, lors d'une vente aux enchères à Nantes, 300 armes et oeuvres rituelles africains sont mis aux enchères. M. Thomas Bouli, porte-parole de l'association Afrique Loire, interpelle la salle : "Vous recevrez un reçu pour votre achat, mais les créateurs de ces objets n'ont reçu que la mort." Il souligne ainsi l'annonce récente de la France concernant la restitution des biens culturels africains. A la demande du ministère de la Culture, une trentaine de pièces béninoises furent retirées de la vente, avant d’être restituées au gouvernement de Porto-Novo.


En effet, en 2021, une première loi portée par le gouvernement a permis la restitution de 26 œuvres à la République du Bénin. Cette décision a été rendue possible grâce à un travail scientifique approfondi réalisé par l'équipe du musée du Quai Branly - Jacques Chirac sur l'histoire et les provenances de ces pièces.


Selon Abdoulaye Imorou, gestionnaire du site des Palais royaux d’Abomey, “le retour des trésors au Royaume d’Abomey représente pour nous une grande fierté, parce que ces trésors royaux constituent notre âme. C'est une partie de notre cordon ombilical qui est parti là-bas. (…) Lorsque les trésors royaux sont revenus, les familles royales sont allées se prosterner. Il y avait plus de 200.000 visiteurs en si peu de temps : c'est un record inégalé ! Mais, le retour de ces biens ne dédommagent pas l'Afrique. Ce dédommagement est faible. Parce que pour qu’il y ait un dédommagement de la colonisation, il faut qu'il y ait un plan Marshall comme l’ont fait les États-Unis avec l’Europe. ça c'est le minimum à mon avis.

En Europe, certains opposants à la restitution des œuvres soulèvent des préoccupations quant à la bonne conservation de celles-ci dans certains pays d'Afrique. Mais pour Abdoulaye Imorou, cet argument ne fais pas sens. "Nous savons comment conserver ces œuvres. Elles étaient là avant que les colonisateurs ne les prennent ! Malgré celles qu’ils nous ont pris, nous possédons encore des œuvres plus authentiques et significatives. Elles sont toujours préservées dans nos musées.” confie-t-il au micro d’Arte.


Exposition Kosmogonie © Fondation Zinsou
© Fondation Zinsou

Marie-Cécile Zinsou, historienne de l'art et fille de Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin, a établi un musée d'art contemporain à Ouidah, une ville côtière historiquement liée au commerce triangulaire des esclaves. Installé dans une villa coloniale de style afro-brésilien, cet établissement présente régulièrement des œuvres d'artistes africains contemporains, dont beaucoup font désormais partie des collections familiales de Mme Zinsou. Selon elle, le retour de ces œuvres symbolise une réappropriation de la dignité et de la fierté pour son pays. En 2006, la Fondation Zinsou, qu'elle préside, avait organisé une exposition à Cotonou en collaboration avec le Musée du quai Branly, consacrée au roi Béhanzin et ayant attiré 275 000 visiteurs en trois mois. “Un réel succès, mais nombre de Béninois n’ont pas compris pourquoi les objets de leur patrimoine devaient retourner en France à la fin de l’exposition”, constate Mme Zinsou.




Le djidji ayôkwé de la Côte d’Ivoire


Le djidji ayôkwé, appelé aussi panthère-lion, servait de moyen de communication et de résistance contre les colons français. Mesurant 3,31 mètres de long pour un poids de 430 kilos, cet objet avait une portée de 20 kilomètres. Ce “tambour parleur” permettait de transmettre des messages aux villages sans être compris par les colons. Ces derniers, irrités, l'ont volé en 1916 des mains de Nangui Abrogoua, le chef des Tchamans.


Djidji Ayokwe, avant 1930, bois, pigments, 331 x 74,5 x 78 cm. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, Dist. RMN-Grand Palais/Léo Delafontain.
Djidji Ayokwe, avant 1930, bois, pigments, 331 x 74,5 x 78 cm. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, Dist. RMN-Grand Palais/Léo Delafontain.

En novembre 2022, dix membres de la fratrie des Bidjan, faisant partie de l'ethnie Tchaman, ont voyagé jusqu'au Musée du quai Branly à Paris pour une cérémonie de "désacralisation" du djidji ayôkwé. Cette cérémonie, marquée par des libations et des paroles rituelles, a permis aux non-initiés de manipuler l'œuvre en vue de sa restauration, avant sa restitution imminente au gouvernement ivoirien.


"Sa place au musée des civilisations d’Abidjan est déjà trouvée", assure Silvie Memel Kassi, directrice générale de la culture au ministère ivoirien de la culture – et ancienne directrice du musée – qui travaille sur ce dossier depuis des années. "C’est beaucoup d’émotion. Je réalise que la question du retour est une réalité. J’ai vu cet objet enlevé dans la douleur, arraché, coupé de sa source. On ne peut pas effacer cette histoire mais, désormais, on l’appréhende autrement", précise-t-elle aux journalistes de PAM.


Alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé en 2021 à restituer ce tambour réclamé par la communauté ivoirienne depuis des années, il n’en est rien aujourd’hui. “Non seulement Emmanuel Macron n’a rien fait, mais le tambour ne figurait même pas dans la liste des objets à restituer. Pourtant deux propositions de loi, une pour le Sénégal et une pour le Bénin, ont bien vu le jour” selon la sénatrice Catherine Morin-Desailly. À ce jour, aucune date n'a été fixée pour le retour du Djidji Ayokwé en Côte d'Ivoire.




Défis & Perspectives


La restitution du patrimoine culturel africain est un processus complexe, confronté à de nombreux défis juridiques, politiques et logistiques.


Des milliers d'objets culturels spoliés demeurent non répertoriés et circulent toujours sur le marché de l'art ou sont intégrés aux collections des musées et bibliothèques publiques. La restitution de ces biens présents dans les collections publiques nécessite l'adoption d'une loi dérogatoire au principe d'inaliénabilité. Jusqu'à présent, les restitutions ont été rares, notamment en raison du processus de sortie du domaine public. Le rapport de Bénedicte Savoy et Felwine Sarr préconise notamment une modification du Code du Patrimoine afin de faciliter le processus de restitution des oeuvres spoliées au continent Africain.


Au début de l'année 2023, un fonds franco-allemand de recherche a été établi pour étudier les provenances des biens culturels africains. L'Allemagne, la Belgique et la France figurent parmi les pays européens les plus actifs dans la restitution de l'art spolié. Depuis plusieurs années, l'Allemagne s'efforce de confronter son passé colonial avec des mesures concrètes. Le processus de restitution a commencé avec une cérémonie officielle au ministère des Affaires étrangères. “N’oublions pas que l’Allemagne a joué un rôle actif dans ce chapitre de l'Histoire. Aujourd'hui, plus de 120 ans plus tard, nous disons clairement que la tête de ce roi appartient au peuple du Nigéria” déclarait Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères.


Au Royaume-Uni, le processus de restitution s’avère plus complexe. Le pays se prépare à restituer au Ghana une trentaine d'objets pillés il y a 150 ans, lors de la troisième guerre anglo-ashanti. Un accord de prêt a été révélé par le Victoria and Albert Museum et le British Museum. La ville ghanéenne de Kumasi pourra conserver ses trésors de la cour royale des Ashantis pendant trois ans, mais cet accord n’est renouvelable qu’une seule fois.




En conclusion, la question de la restitution du patrimoine culturel africain est devenue un sujet crucial dans les débats contemporains. Elle représente un pas essentiel vers la reconnaissance et la valorisation de l'histoire et de la culture du continent Africain. De plus en plus de pays occidentaux mènent des actions concrètes en faveur de cette restitution. Ces initiatives marquent un tournant majeur dans la reconnaissance des torts causés par la colonisation et ouvrent la voie à un dialogue plus équitable entre les nations. Il est désormais impératif de poursuivre ces efforts afin de restaurer la dignité et le patrimoine culturel des peuples africains.

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