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Ida B.

Musique urbaine, késako?

L'appellation "musique urbaine" est devenue monnaie courante dans l'industrie musicale. On l'entend partout, des radios aux plateformes de streaming, en passant par les cérémonies de remise de prix. Cependant, sous cette expression en apparence anodine se cachent des questions complexes liées à la race, à la culture, et à l'industrie musicale elle-même.



Un Terme Qui Englobe Trop de Genres


A l'origine cette expression, née dans les années 70 aux USA, désignait la musique afro-américaine qui était jouée à la radio. Aujourd'hui "musique urbaine" n'a plus la même signification.


L'un des problèmes majeurs de l'appellation "musique urbaine" est son imprécision. Ce terme est souvent utilisé pour englober une multitude de genres musicaux, du hip-hop au R&B, en passant par la musique électronique, le reggae, le dancehall, et bien d'autres. Cette généralisation aplanit les distinctions culturelles, stylistiques et historiques importantes entre ces genres.


L'artiste Gims s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet sur ses réseaux sociaux : “Le problème c’est ce terme “urbain” qui est trop réducteur et péjoratif. La vraie question c’est : que veut dire “musique urbaine”?



Racisme et Stéréotypes


En France, l’appellation “musique urbaine”, encore largement utilisée par les médias et les acteurs de l’industrie musicale, désigne en réalité les musiques interprétées par des artistes racisés et/ou issus des banlieues. La musique n'est donc plus définie par son style mais par son interprète. Aya Nakamura et Gazo ne sont pas du tout sur le même registre et pourtant, ils sont sont souvent placés dans la même catégorie, “musique urbaine”.


Le Juiice, invitée dans l’émission Planète Rap sur Skyrock, s’exprimait d’ailleurs à ce sujet : “Aya Nakamura ne fais pas de rap, c’est une chanteuse mais elle est noire donc c’est de l’urbain”.


Cette appellation constitue un frein dans la carrière des artistes. Avec l’étiquette “musique urbaine”, les artistes n’ont pas accès aux mêmes radios, ni certaines playlists, ni à certains festivals, ni même à certains médias. L’artiste se retrouve ainsi enfermé dans ce concept de “musique urbaine”. Selon Ablaye, créateur de contenus, “c’est une forme de racisme musical parce que les artistes ne sont pas reconnus pour ce qu’ils font mais pour ce qu’ils sont”.


Selon la journaliste Dolores Bakela, “C’est une réalité assez dramatique car on empêche ces artistes d’avoir une identité artistique propre qui va au-delà de ce vocable fourre-tout. (...) Ça les empêche simplement d’avoir la licence artistique qu’on octroie à tous les autres artistes qui ne sont pas stigmatisables du fait de leur couleur de peau ou encore du territoire sur lequel ils ont grandi.



Une prise de conscience


Les distinctions entre les genres musicaux sont essentielles pour permettre aux artistes de recevoir des récompenses appropriées. L'appellation "musique urbaine" peut, dans certains cas, regrouper des artistes qui mériteraient d'être reconnus dans des catégories spécifiques, ce qui peut contribuer à l'effacement des artistes afro-descendant.es des catégories principales.


En 2020, Tyler, the Creator déclarait : “Je n’aime pas ce mot ‘urbain’, c’est juste une manière politiquement correcte de dire le ‘N-word’. Quand j’entends ça, je me dis simplement : 'Pourquoi ne pouvons-nous pas être dans la pop ?'".

Suite à ces déclarations, le label américain Republic Records avait élevé la voix contre le terme “Urban music” , ajoutant qu'ils "encouragent le reste de l’industrie de la musique à suivre cette démarche". La forte mobilisation suite à cet appel a poussé les Grammy Awards à réagir. L'organisation change le nom de sa catégorie "Meilleur album urbain" en "Meilleur album R&B Progressif".



En fin de compte, l'appellation "musique urbaine" ne rend pas service à la musique ni à ceux qui la créent. Elle perpétue des stéréotypes et minimise la diversité des genres musicaux. Le terme "musique urbaine" est facilement perçu comme une stigmatisation. Il est désormais temps d'avoir des catégories basées sur la musique et non l'apparence de son auteur.


Au lieu d'utiliser cette étiquette vide de sens, nous devrions reconnaître la richesse et la variété des genres musicaux et célébrer les artistes pour leurs contributions spécifiques, tout en évitant de les enfermer dans des catégories réductrices.

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