La musique est une langue universelle, transcendant les frontières et les cultures pour résonner dans les cœurs de millions de personnes à travers le monde. Une des influences les plus remarquables sur la musique populaire contemporaine provient des rythmes et des mélodies vibrantes de la musique afro-caribéenne. Cette musique, qui a émergé des îles des Caraïbes et des racines africaines, a laissé une empreinte indélébile sur la musique que nous écoutons aujourd'hui.
Des racines profondes
Les rythmes et les mélodies de l'Afrique et des Caraïbes ont depuis longtemps imprégné la musique du monde. De nombreux instruments utilisés dans les différentes formes de musique classique, telles que l'opéra ou encore le concerto, puisent leurs origines en Afrique. Ces instruments ont été introduits en Europe par le biais de l'esclavage et du commerce transatlantique. De la même manière, en Amérique latine, des formes artistiques telles que la Capoeira, qui mêle danse et art martial, sont directement inspirées des techniques de combat des armées de l'Angola au sein du Royaume Kongo.
En 1998, Kaysha incorporait déjà ces influences zouk dans son titre Bounce Baby, en utilisant un sample de Kassav’ pour la prod.
Bien des années avant l’afro-trap, Mokobé fut un des premiers artistes à se tourner vers les sonorités du Continent. En 2007, il sort l’album “Mon Afrique” sur lequel figure plusieurs légendes de la musique africaine à l’instar de Fally Ipupa ou encore Youssou N’Dour. A travers cet album, l’artiste souhaitait “construire un pont entre le hip-hop et la musique africaine”. Dans un interview accordée à Yard, Mokobé confiait “l’Afrique a tellement été négligée, et aujourd’hui les maisons de disques savent qu’elles ont un coup à jouer.”
Un étiquetage réducteur
Ce recours aux sonorités afro-caribéennes est non seulement authentique, mais également assumé. Les artistes dominant les charts sont majoritairement afro-descendants. Ils ont, pour la plupart, baigné dans ces sonorités depuis la tendre enfance. C’est donc tout naturellement que les éléments de cette musique ressurgissent dans leurs compositions.
“Le zouk a toujours fait partie de ma jeunesse. J’ai grandi avec ce style musical (…) Kim ou Karima, c’étaient nos stars à nous.“ confie Aya Nakamura dans une interview accordée à TRACE. La chanteuse rend d’ailleurs hommage à Karima en reprenant son titre Sentiment grandissant.
Néanmoins, les grands acteurs de l’industrie musicale ont pris la fâcheuse habitude de définir les hits d’Aya, Naza ou encore Dadju comme de la “musique urbaine”, en oubliant trop souvent ses influences afro-caribéennes. Comment ne pas entendre les influences zouk en écoutant Djadja ? Ces sonorités se retrouvent également dans un autre hit dit “urbain”, Joli Bébé de Naza et Niska, produit par Latimer, DJ Erise et Léo Brousset. “En fait le zouk existe toujours, et il est plus vivant que jamais sauf qu’il a perdu la bataille du branding. Le zouk s’appelle ‘pop urbaine’ maintenant.” explique Kaysha, rappeur et chanteur congolais.
Selon Lenaïck Adam, député LREM de Guyane, “Tout est politique, et la musique évidemment l’est. On commence à voir une forme d’appropriation des sonorités zouk ou kompa, surtout au niveau du rythme. (…) Il ne faut pas s’approprier ce qui est fait depuis toujours. Il faut dire où ces artistes vont piocher leurs styles musicaux.”
Un mépris politique
Dans l’abécédaire Le Dérangeur, en face du mot zouk on peut lire : ”en Guadeloupe et en Martinique, le mot "zouk" désigne au départ un dancing ou une salle de bal, avant de définir un genre musical pourtant, le regard posé sur lui en France hexagonale est empreint de condescendance et de mépris”.
En 1985, le groupe Kassav’ remplit le Zénith de Paris, sans le moindre soutien médiatique en dehors de la communauté, et entame une tournée mondiale. Kassav' s'inscrit dans une dimension internationale bien avant d'être reconnu à l'échelle nationale. Malgré une renommée internationale et un succès mondial, le groupe n'a jamais été vraiment pris au sérieux en France : un exemple frappant de ce mépris pour un patrimoine musical considérable.
Michel Godzam, artiste martiniquais du groupe La Perfecta, répond à cette question de mépris : “A partir du moment où la chose est martiniquaise, personne ne s’en occupe. Ce qui est à nous n’est pas bon, c’est notre éducation fondamentale. Moi, j’ai appris à l’école ‘nos ancêtres, les Gaulois…’ Après ça, on a tout dit.”
L’évolution des mentalités est un processus long et laborieux. Jusqu'en 2021, il était très difficile pour les artistes afro-caribéens de développer leur activité en raison de l’absence de la plateforme de streaming musical Spotify. Cela peut paraître futile de premier abord mais l’enjeu est de taille. A l’heure où tout est régi par les chiffres, l’absence de la plateforme dans les Caraïbes représente un véritable handicap pour les artistes. En plus de constituer une source de revenu majeur, le streaming est également gage de crédibilité et vecteur de visibilité. La mobilisation d’artistes locaux aux côtés du député guyanais Lenaïck Adam ont permis de rendre les services Spotify et Spotify for artists disponibles à toute la population caribéenne.
Les musiques afro-caribéennes se libèrent graduellement des carcans institutionnels. Selon Shorty, fondateur du média Loxymore, “la culture urbaine caribéenne est de plus en plus acceptée au sein des institutions comme le rap français”.
En somme, la musique afro-caribéenne se révèle être une source inestimable d'inspiration et d'influence pour la musique populaire contemporaine. Des rythmes envoûtants aux mélodies vibrantes, cette forme musicale a laissé une empreinte indélébile dans l'industrie musicale mondiale. Malgré les défis et les préjugés auxquels elle fait face, son influence continue de s'étendre, contribuant ainsi à enrichir la diversité musicale et à rappeler l'héritage africain qui résonne au cœur de la musique que nous aimons tous.
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