La Critique : SUNBURN vol. 1, de AYATH
- Gabin C.
- 3 déc. 2024
- 10 min de lecture
AYATH est un artiste créatif et polyvalent, connu pour son approche innovante mêlant musique, art et visuel. Dès son jeune âge, il se distingue en tant que membre du collectif BROKE*59, où il se fait remarquer avec des morceaux comme Van Helsing. Inspiré par des artistes avant-gardistes tels qu'Ateyaba et Sega Bodega, il entame une carrière solo avec son EP Perturbations, qui lui permet d'être sélectionné aux iNOUïS du Printemps de Bourges et de figurer dans le top 10 du Prix Pernod Ricard. Près d’un an après son premier projet, AYATH nous livre un second projet audacieux et émouvant où il continue d'explorer des sonorités audacieuses et personnelles.

Dans SUNBURN vol. 1, AYATH explore des sonorités contrastées en mariant les rythmes syncopés du two-step, l'âme du gospel et une saturation sonore distinctive, créant ainsi un paysage musical unique et introspectif. Le projet se distingue par sa profondeur émotionnelle et sa capacité à toucher des sujets universels tout en restant résolument singulier dans sa production.
Une expérience sonore et musicale singulière
SUNBURN vol. 1 d'AYATH est une immersion fascinante dans un univers sonore unique, où les influences digitales, poétiques et mélodiques se rencontrent pour créer une expérience auditive intense. Dès le morceau d’ouverture, Smoke, l’artiste propose une voix robotisée, inspirée par des références à Laylow, tout en explorant des textures numériques surprenantes. Passager continue sur cette lancée, avec une production entraînante et un son uk garage.
La transition vers Nage marque un contraste palpable : l’atmosphère s’adoucit avec des chœurs et une touche de gospel qui apportent une dynamique nouvelle et originale au projet. Ce contraste entre les morceaux enrichit le projet d’une dimension émotionnelle forte, renforcée par un enchaînement fluide qui soutient le thème central de l'album. La production, marquée par une saturation réfléchie, magnifie les choix artistiques, tout en permettant à la voix d'AYATH de briller dans son flow percutant et sa diction poétique.
L’album se distingue par une recherche d’originalité et d’innovation, mêlant gospel, uk garage et une touche personnelle dans les arrangements. L’expérience est visuelle et sonore, le clip et les visuels complétant l’atmosphère solaire de cet opus, bien plus lumineux que son prédécesseur Perturbations. SUNBURN vol. 1 s’impose comme un projet aux multiples facettes, écouté comme un voyage introspectif mais aussi comme un manifeste d’un artiste qui sait faire évoluer son style tout en restant fidèle à ses émotions et à son époque.
Une performance vocale envoûtante et nuancée
Sur SUNBURN vol. 1, AYATH livre une performance vocale puissante et pleine d’intensité. Sa voix se distingue par sa capacité à osciller entre la douceur et la puissance brute, créant une atmosphère envoûtante et émotionnellement chargée. Sur des morceaux comme "Smoke", sa voix se fait percutante et énergique, collant parfaitement à la production digitale aux sonorités robotiques. Dans "Nage", on perçoit une facette plus calme et introspective de sa performance, où les chœurs et les ambiances chantées apportent une dimension presque spirituelle à l'ensemble, tout en contrastant avec des sonorités plus saturées.
L’écriture, poétique et imagée, s’intègre parfaitement à cette palette vocale. AYATH s’aventure dans un flow fluide et profond, capturant l’auditeur à chaque mot. Son univers, à la fois mélancolique et lumineux, prend vie à travers sa voix, qui se fait à la fois instrument et vecteur d’émotion. Sa capacité à jouer avec les nuances et les textures vocales montre une grande maîtrise et une forte implication personnelle dans ce projet, renforçant ainsi la dimension introspective de SUNBURN vol. 1.
Une approche éclectique
La singularité de SUNBURN vol. 1 réside dans sa capacité à mêler des sonorités inattendues et à dévoiler une sincérité émotionnelle brute, ce qui en fait une expérience unique et captivante. Le projet se distingue par son approche musicale éclectique. Dès le morceau d’ouverture, Ayath plonge l’auditeur dans un univers sonore singulier, où la texture vocale "robotisée" et les mélodies pénétrantes transportent une émotion palpable. Chaque morceau devient un terrain d’expression personnelle, notamment avec des titres comme Passager, où la production bouillonnante et le thème de la rupture s’entrelacent avec des paroles poignantes et introspectives. Ce projet dévoile des ambiances visuelles et sensorielles qui vont bien au-delà de la simple écoute : Ayath met tout en œuvre pour que chaque clip et chaque morceau véhiculent les émotions profondes qu’il veut transmettre, créant ainsi une expérience globale et immersive.
Ce qui rend SUNBURN vol. 1 si particulier, c’est cette capacité à aborder des thèmes universels (doute, mémoire, rupture) tout en restant fidèle à une démarche artistique personnelle et sans concession. L’authenticité et la profondeur de ses textes, associés à des expérimentations sonores audacieuses, font de ce projet bien plus qu’un simple album : il s'agit d'une véritable immersion dans l’univers intime et solaire d'Ayath.
Rencontre avec AYATH
On a eu le privilège d'échanger avec AYATH à l’occasion de la sortie de SUNBURN vol. 1, son second projet captivant, pour discuter de son parcours, de ses inspirations et de ses ambitions artistiques.
En novembre 2023, tu sors ton premier projet “Perturbations”. Quelques mois plus tard, tu te hisses dans le top 10 du Prix Pernod-Ricard. Comment t’as vécu cette expérience ?
Assez ouf. Tout ce qu’on avait eu pour ce premier projet ça été assez surprenant : les Inouïs du Printemps de Bourges, le Prix Pernod-Ricard, etc… On avait fait les RP seuls donc je suis très content d’avoir réussi à avoir des relais. Pour un premier projet, ça m’a ultra motivé. Soleil rouge qui est entré en playlist Spotify, c’était comme un alignement des étoiles. Ce que je fais ça a du sens. Sortir quelque chose c’était vraiment une étape et c’est une super sensation, après 1 an à bosser sur le projet.
Tes morceaux BOY et Soleil Rouge ont connu pas mal de succès, et on parle souvent de la pression qui pèse sur les artistes au moment du deuxième album. Est-ce que t’as ressenti une pression pour ce deuxième projet ?
J’ai eu une grosse pression parce que j’avais fait d’autres projets avant avec d’autres groupes. J’ai 29 ans, je m’approche de la trentaine et j’ai l’impression que j’ai perdu cette espèce de naïveté, de faire tout sur le coup en 5 jours en fumant des joints. Et puis il y a toujours ce truc de comparaison et une certaine exigence. Il faut que ce projet ait du sens. Je voulais que les clips soit chanmé, que la DA et les visuels soient tops.
SUNBURN c’est un titre intrigant. Quelle est la signification derrière ce nom ?
Depuis que je fais des sons tout seul, j’essaye de développer un champ lexical autour du soleil. Il y a un truc qui m’a vraiment pris et j’ai commencé à en parler beaucoup. Avec SUNBURN, j’avais envie de ré-appuyer sur cette notion de Soleil. Un coup de soleil c’est un peu laisser une marque, c’est aussi quelque chose qui brûle. Je voulais trouver quelque chose qui symbolise vraiment cette idée de marques que j’ai eues. Je voulais symboliser l’idée de brûlure sans que ça soit trop lourd pour autant. SUNBURN c’est le titre qui me touchait le plus, anodin mais plein de sens.
L’un de tes derniers singles se nomme Passager. Comment est né ce morceau ?
J’ai vécu pas mal de ruptures, que j’ai toujours mal vécues. Avec le temps ça va mieux mais j’ai composé Passager dans ce contexte-là. Le pire c’est que j’ai écrit ce morceau alors que j’étais de nouveau en couple et super heureux, mais je l’ai écrit en pensant à ces 6 mois de sentiments ultra durs où j’étais comme une loque après 2 ans de relation.
Dans ton morceau Nage, tu dis : “7 années d’étude pour quand même faire du rap” . Est-ce que c’est un choix que tu regrettes par moment ?
Pas du tout. Quand je dis “du rap”, c’est la manière dont on catégorise ma musique. Le rap c’est hyper large et bien plus vaste que ce que les gens pensent. Il y a pleins de sous-genres. J’ai fait des études d’art et de graphisme qui m’ont mené aujourd’hui à bosser dans l’art et la musique et j’en suis très heureux. Dans Nage, je l’ai plutôt dit comme une phrase sortie d’un diner de famille.
Dans SUNBURN vol. 1, tu explores beaucoup de thèmes profonds, comme le doute, la détermination, les souvenirs par exemple. Quels messages voulais-tu faire passer à travers ce projet ?
L’idée c’est plus de réussir à faire passer qui je suis. J’essaie toujours de rester assez simple. Quand j’écrivais en 2015 et qu’il y avait plein de métaphores, je trouvais que c’était une manière d’écrire très abstraite. Ce qui me marque le plus ce sont les gens qui écrivent de manière très simple. Je voulais pas faire passer un message mais plutôt des émotions. Ce que je raconte, ce sont des choses que je ressens plutôt que des trucs que j’ai vécu. Je fais passer des messages simples à travers des ressentis. Mon but c’est de ne pas être inaccessible.
Y a-t-il un ou plusieurs morceaux qui ont été particulièrement difficiles à écrire ou à produire ? Pourquoi ?
Oui bien sûr. Les morceaux qui ont le plus de sens émotionnel, c’est ceux qui sortent le plus vite. Il y a toujours un épuisement à la fin. Par exemple, j’ai écris un morceau qui s’appelle Fuck off et dedans il y avait un truc assez sombre. Le texte est sorti plutôt vite, je l’ai écrit en 15 minutes. J’étais très heureux de ce que je venais de délivrer mais 15 minutes après, il y a une montée de larmes, d’épuisement. J’essaie d’être le plus profond possible, mais il y a des moments où ça devient épuisant. Parfois, j’écris juste un truc con qui sonne bien et c’est super. À force, chercher la sincérité ça fatigue.
As-tu déjà été confronté à la page blanche ?
Finir un morceau ou écrire un second couplet quand il y a eu une pause dans la conception du morceau c’est hyper compliqué. Revenir sur des sons c’est toujours compliqué. Souvent, je commence par la topline, le refrain et le premier couplet et je reviens plus tard pour le finir. J’écris pas à l’avance, j’écris en fonction des prods. Je suis pas quelqu’un qui a son carnet de notes et qui écrit sur un beat imaginaire. Il y a des sons, c’est horrible : puisque j’écris à propos d’une émotion ou d’un truc particulier, il y a des moments où c’est pas le moment. Parfois, je me demande même pourquoi je mets un deuxième couplet. A la fin de Fuck Off, j’avais limite envie de pleurer tellement le process était dur. C’était stressant, un vrai combat. Mais j’aime beaucoup les morceaux longs. C’est assez compliqué de rester dans cette ambivalence.
Ton EP est accompagné par 2 clips - pour les morceaux Nage et Passager -, ton univers musical semble très visuel. As-tu imaginé ce projet comme une expérience globale avec une esthétique particulière ?
Quand il s’agit de mon projet, je me met en mode réalisateur*.* J’aime trop l’idée du projet, que ce soit les miens ou ceux d’autres projets. Le projet devient un terrain de jeu visuel. J’ai envie que les choses aient du sens et que les gens se disent : “ok avec les moyens qu’on avait, là y a une expérience qui se lance, y a un truc”. Même sans budget, l’idée c’est de trouver quelque chose qui va nous différencier. Le clip, je le vois comme une autre étape de la musique. Il faut que le clip véhicule les mêmes émotions que la musique. J’imagine déjà le clip quand j’écris et compose la musique. Par exemple, pour Passager, je savais qu’il y aurait un effet jeu vidéo dans le clip. Quand je l’écoutais, j’avais l’impression que ma vie était de la merde et que j’étais en mode pilotage automatique : d’où l’idée du POV pour véhiculer cette émotion.
Aimerais-tu tourner d’autres clips pour accompagner SUNBURN vol. 1 ?
En tournant Nage, on devait aussi tourner Location. Par manque de temps, on s’est concentré sur Nage et on a bien fait. Maintenant, on se pose la question de tourner pour Location. Je pense aussi à un visuel pour Top 100 mais c’est incertain, ça dépend du temps. Si ça ne tenait qu’à moi, je clipperai tous mes sons.
SUNBURN vol. 1 : Volume 1, parce qu’il y aura une suite ?
Ouais bien sûr. L’idée c’est qu’il y ait une suite. J’essaye de prévoir un autre EP de 7 titres pour février/mars. C’est en cours de composition et j’espère que ça va être cool. SUNBURN vol. 1 est sorti en novembre mais on bossait dessus depuis plusieurs mois et j’avais envie de faire un projet plus long. Comme on arrivait pas à sortir les choses assez vite, Thomas m’a conseillé de diviser mon projet en 2. Ca m’a permis de ne plus voir ce projet sur des années. Il y a aussi cette injonction pour sortir des projets et être présents.
SUNBURN Vol. 2 sera toujours dans cet esprit là, mais j’ai toujours envie de surprendre. Dans le volume 1, il y a quelque chose d’assez calme, en mettant en avant les lyrics. Pour le volume 2, j’aimerais qu’il soit moins calme pour compléter le premier volume. Evidemment, les 2 projets pourront s’écouter à la suite mais j’ai envie de considérer le second opus comme un EP à part entière.
Il y aura toujours ce que j’appelle “mon morceau de Noël”. Par exemple, dans Perturbations c’était Boy que j’avais enregistré à Noël - et pour SUNBURN c’était Nage. Tous les ans, à Noël, je profite du temps devant moi pour enregistrer un son. Cette année, mon son de Noël sera probablement dans SUNBURN vol. 2. J’ai envie de me surprendre et d’apporter quelque chose de frais.
Avec SUNBURN vol. 1, tu as franchi une nouvelle étape. Quelles sont les prochaines ambitions pour ta musique ? Est-ce que tu voudrais à l’avenir travailler avec des artistes sur des feat ?
Yes, j’ai prévu plusieurs feats à venir dont un avec SNAKID. J’ai déjà collaboré sur les projets de mes potes et j’envisage des feats avec des artistes que j’apprécie et qui me ressemblent dans l’idée de ne pas se mettre de limites musicales.
Pour finir, quel est ton plus grand rêve ?
Pouvoir vivre de ma musique, que ma vie soit de faire du son pour moi. J’ai des potes qui vivent de ça et je trouve ça ouf. Ecrire pour d’autres artistes, être en studio, composer. Musicalement, j’ai un public et des choses qui ont permis ce truc-là mais globalement mon rêve c’est de vivre de la musique.
SUNBURN vol. 1 est une véritable immersion dans l'univers d’AYATH. Entre mélancolie et énergie, chaque morceau résonne comme une exploration intime des émotions humaines, tout en marquant un pas vers de nouvelles expérimentations sonores. Pour les aficionados de musique profonde et originale, SUNBURN vol. 1 est un projet qui ne demande qu’à être écouté et ressenti.
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