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Ida B.

Le brutalisme

Le brutalisme, mouvement architectural qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale, est souvent associé à des structures massives et des surfaces en béton brut. Caractérisé par son honnêteté matérielle et sa fonctionnalité austère, le brutalisme est plus qu'un style architectural ; c'est une déclaration sociale et politique.

Explorons ce mouvement avant-gardiste, ses caractéristiques distinctives, ses pionniers visionnaires, et les édifices emblématiques qui continuent de susciter admiration et débat.





Une idéologie sociale


Le brutalisme, pur produit du modernisme, a explosé sur la scène architecturale entre les années 1950 et 1970 avant de s'effacer lentement dans les années 1980. Émergeant du terme français “brut”, popularisé par Le Corbusier, ce style célèbre l'aspect brut et authentique du béton laissé à son état sauvage. Pourtant, il n'y a rien de brutal dans cette approche, seulement une admiration pour ce matériau pratique et abordable. Le Corbusier, avec une touche de poésie, exprimait ainsi cette vision : “Puissent nos bétons si rudes révéler que, sous eux, nos sensibilités sont fines”.


Bien plus qu'un simple mouvement architectural, le brutalisme s'érige comme le manifeste d'une ère en quête de renouveau. À son apogée, il symbolise les mutations sociales profondes de l'après-guerre, incarnant une société nouvelle, plus équitable, progressiste et solidaire. Cette utopie sociale est le cri d'une génération qui veut éradiquer les inégalités nées des conflits mondiaux et de la montée de la gentrification, résultat de la Révolution Industrielle. Avec ses lignes audacieuses et son béton nu, le brutalisme se pose en contrepoint à un monde en déclin, devenant l'emblème d'une modernité radicale.


La reconnaissance véritable du brutalisme survient avec l'ouvrage du critique Reyner Banham, “The New Brutalism: Ethic or Aesthetic?”, publié en 1966. Banham redéfinit le terme, en faisant un étendard pour une révolution architecturale en Angleterre. Pour lui, le brutalisme est avant tout un état d’esprit, une philosophie partagée par des architectes révolutionnaires, plutôt qu’un simple style architectural.


Le brutalisme n’est pas seulement une esthétique, il transforme radicalement les conditions de vie. En offrant un confort moderne inédit, avec l’eau courante, le gaz et l’électricité, il repousse les frontières du quotidien. Ces architectures sont conçues comme des mini-villes autonomes, favorisant des rencontres organiques par une circulation pensée pour créer des interactions spontanées.


Prenons l’exemple iconique de l’unité d’habitation à Marseille, signée Le Corbusier. Ce projet phare du brutalisme incarne parfaitement cette vision.

Érigée sur pilotis, cette immense barre de béton intègre rues, commerces et lieux de vie dans un seul bâtiment. Les jardins ouverts qui l’entourent créent un espace où tout passe par-dessous, symbolisant la liberté de mouvement et d’interaction. C’est une ode au béton armé, célébrant le gigantisme, la lisibilité et le fonctionnalisme de la construction.






Humilité, fonctionnalité et modernité


L’architecture brutaliste, c’est la géométrie massive et anguleuse à son paroxysme. Les fenêtres en répétition, l’absence totale d’ornementation, et surtout, le béton brut comme maître-matériau. C’est résistant, c’est abordable, et ça démocratise l’imposant. Ces édifices monumentaux misent tout sur leur verticalité et la rudesse du béton, s’érigeant en contrepoint aux mouvements architecturaux précédents. Le brutalisme rompt avec la délicatesse du style Beaux-Arts et défie la rigidité élitiste des tours de verre du Bauhaus. Pour les progressistes, c’était une architecture plus honnête, humble et égalitaire.


Même si le béton est l’âme du brutalisme, ce mouvement joue aussi avec la brique, l’acier, le verre et la pierre taillée. C’est précisément le cas de la bibliothèque Geisel, fruit de l'audace architecturale de William Pereira à la fin des années 1960, qui se dresse tel un phare surplombant son piédestal iconique. Un mélange futuriste de verre et de béton, où le brutalisme se marie aux contours du modernisme et du futurisme spatial, propulsant la ville côtière dans une ère contemporaine.


Un autre marqueur du brutalisme ? Des formes géométriques franches et imposantes. Le minimalisme règne en maître : des volumes massifs, des lignes épurées et des angles tranchants. Loin des artifices, l'utilité prime. L'architecture brutaliste, fidèle au dogme moderniste, offre des espaces dépouillés, fonctionnels, où chaque élément répond à une nécessité. Rien n'est caché : la structure, les équipements techniques se dévoilent, conférant une esthétique brute et une sincérité architecturale.





Les plus belles œuvres brutalistes



  1. Oscar Niemeyer, Palais de Justice (1957), Brasilia (Brésil)

  2. Francisco Javier Sáenz de Oiza, Torres Blancas (1964-1969), Madrid (Espagne) / Getty Images

  3. Toyo Ito, Théâtre national de Taichung (2016), Taichung (Taiwan) / View Pictures/Getty Images)

  4. Gérard Grandva, Les Choux (1974), Créteil (France) / Paul Fleury

  5. Guéorguy Stoilov, Bouzloudja (1981), Chipka (Bulgarie) / JIM BLACK/PIXABAY)






Dans les années 70, l'urbanisme est en effervescence, propulsé par le baby-boom. Mais cette expansion effrénée, bien que visant à résoudre la crise du logement, a souvent sacrifié la convivialité au profit de la pure fonctionnalité, engendrant des édifices monolithiques décriés pour leur manque d'esthétique et leur rigidité. Les bâtiments brutalistes, souvent critiqués comme des affronts à l'esthétique urbaine, sont également les stigmates des politiques de ségrégation urbaine. Ainsi, aujourd'hui, le terme "brutalisme" englobe autant des barres d'HLM austères que des chefs-d'œuvre architecturaux, témoins d'une époque complexe et contrastée.

Délaissant leur origine utopique, les structures brutalistes deviennent des symboles incontournables de la culture populaire, inspirant notamment les univers dystopiques et futuristes du cinéma, à l'image de L’Orange Mécanique et Blade Runner 2049. Devenues des icônes architecturales, certaines sont préservées comme patrimoine culturel, tandis que d'autres sont réhabilitées, s'inscrivant ainsi dans le renouveau de l'architecture contemporaine et inspirant de nouveaux mouvements et réalisations.

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