En savoir plus sur la performeuse serbe Marina Abramović connue pour ses performances dangereuses et provocantes. En effet, au cours de ses performances elle met son corps à l’épreuve et ce au service de l’art. Toutefois, les motivations derrières ses performances restent parfois flou aux yeux du public alors qu’elle le dit elle-même “L’Art doit être utile”. C’est pourquoi Le Plug va vous présenter quelques unes de ses performances.
Qui est Marina Abramović ?
Marina Abramović est une artiste et performeuse serbe née le 30 novembre 1946 à Belgrade, capitale de l’ex-Yougoslavie. Elle est connue pour ses performances provocantes où elle utilise son corps, souvent sujet de violences.
Elle grandit dans un environnement familial violent avec un père, garde d’élite du maréchal Tito et une mère directrice du musée de l’Art et de la Révolution. Elle subit de nombreux traumatismes durant l’enfance de la part de sa famille ce qui a une grande influence sur son art et sur son rapport à la violence.
De 1965 à 1970, elle étudie à l’académie des beaux-arts de Belgrade et poursuit ensuite ses études à Zagreb où elle assiste le peintre croate Krsto Hegedušić dans son atelier. Elle débute les performances artistiques en 1973 et commence les expérimentations corporelles avec des objets tranchants et des produits chimiques.
En 1975, elle rencontre l’artiste allemand Ulay qui devient son compagnon en 1976 et ce jusqu’à 1988. Ils collaborèrent ensembles sur des nombreux projets artistiques comme on va le voir plus loin.
Elle enseigne l’art dans différentes écoles européennes de 1990 à 2004 : à Berlin, Paris, Hambourg, Venise et Brunswick.
Elle est aujourd’hui âgée de 77 ans et est considérée pour beaucoup comme “la grand-mère du body art” et des performances dangereuses. L’un de ses slogans est d’ailleurs : « garder l’attention sur le danger, c’est se mettre au centre de l’instant présent. »
C’est l’occasion pour Le Plug de revenir sur quelques-unes de ses performances et sur sa relation artistique intense avec son compère et partenaire Ulay.
Rythm O (1974)
L’une de ses performances les plus connues de Marina Abramović est Rythm O réalisée en 1974 dans le studio Morra à Naples. Les spectateurs peuvent voir l’artiste avec cette indication devant elle :
« Sur la table il y a 72 objets
Avec lesquels vous pouvez me faire ce que vous voulez.
Je suis un objet.
Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans ce laps de temps.
Durée : 6h (20h-2h) »
Sur la table, il y a à la fois des objets de plaisir : des fleurs, des bougies, du pain, une flute et des objets de destruction : des clous, des chaines, une hache, un marteau.
Au début de la performance, le public l’embrasse, lui met des fleurs dans les mains, prend des polaroids d’elle. A partir de la troisième heure, les choses ont pris une tournure différente, plus violente. Finalement, elle termine la performance dénudée, allongée sur la table, ligotée, giflée et ensanglantée.
Le public a arraché ses vêtements, lui a enfoncé des épines dans la peau, a égratigné sa gorge avec des lames de rasoir, l’a attaché avec des chaines, la frappé avec des sangles et enfin l’a menacé avec un revolver. Finalement, la performance se termine au bout de 6 heures comme convenu entre Abramović et la galeriste.
Grâce (ou à cause) du public, elle tire une leçon de cette performance : elle se rend compte que si les femmes du public n’avaient pas été présentes, les spectateurs hommes, autorisés à tout pour le temps de la performance, l’auraient violée. A la toute fin, Marina tend à ses détracteurs un miroir pour leur montrer jusqu’où dans la cruauté ils étaient prêts à aller.
A la fin de la performance elle dit ceci : « La leçon que j’ai tirée de cette pièce c’est que dans nos performances nous pouvons aller très loin, mais si nous laissons le public faire, nous pouvons être tués. » Elle conclut enfin en déclarant : « Ce travail me révélait ce qu’il y avait de plus horrible chez les gens ».
Balkan baroque : the Cleaner (1997)
Pour la mise en œuvre de cette performance, l’artiste s’est faite livrer des centaines d’os de bœufs frais auxquels ils restaient des morceaux de chair. Elle frotta et gratta chaque os jusqu’à-ce que toutes traces de chair disparaissent. Durant toute la performance, elle tente de rendre l’os parfaitement propre, parfaitement « nettoyé ».
Ce « nettoyage » fait référence aux nettoyages ethniques des croates massacrés de Vukor, des victimes anéanties à Sarajevo, des Bosniaques assassinés à Srebrinca, des kosovars mutilés et elle rend hommage à tous ceux sacrifiés durant les guerres des Balkans des années 1990. Ici, elle critique la barbarie de son propre pays, la Serbie.
Elle a refusé de produire cette performance au pavillon Yougoslavie de la 47ème Biennale de Venise puisqu’elle était censée y représenter la Serbie. Elle s’est alors produite dans le sous-sol du pavillon italien.
Alors que, recouverte de sang, elle nettoyait ces os d’animaux, des films muets en noir et blanc de son enfance en Yougoslavie et de sa famille étaient diffusés derrière elle. Sur les vidéos, on voit son père, militaire Yougoslave et sur l’une des vidéos, il lui colle un revolver contre la tempe. Durant toute sa performance, elle fredonnait des chansons de son enfance tout en câlinant les ossements.
Elle prend une position politique forte avec cette performance en s’opposant à l’ethno-nationalisme serbe. On voit ainsi qu’avec sa prestation, et elle le dit elle-même : « l’art [est] politique, sinon il ne serait pas plus qu’un journal qui ne vaut que pour une journée. Avant de périmer dès le lendemain »
Marina & Ulay
Marina et son compagnon Ulay avaient tous deux une passion pour l’art et les performances provocantes, c’est pourquoi ils ont collaboré dans des performances artistiques à de nombreuses reprises.
Leur première performance se nomme Relation in time et se déroule en 1977. Les deux artistes se sont tenus dos à dos 17 heures avec les cheveux entrelacés. Les cheveux entremêlés font office d’un cordon ombilical qui unie le couple. Une personne extérieure a dû les aider à se détacher à la fin de la performance.
La même année, ils réalisent la performance nommée Breathing in breathing out. Durant tout le long de la performance, ils s’embrassent en maintenant leurs bouches collées afin que chacun n’inspire que le contenu des poumons de l’autre. Ils avaient également bouché leur nez avec des filtres de cigarettes afin de garantir la réussite de la performance. Breathing in breathing out s’est déroulé jusqu’à ce que l’un des deux ne devienne inconscient. Cette performance à Belgrade a ainsi duré 19 minutes. Comme s’est dit dans la notice explicative, cette prestation est la preuve « de la respiration comme symbole du maintien en vie mutuel, de la dépendance de l’un envers l’autre. »
The Lovers est le nom du film de leur épopée le long de la Grande Muraille de Chine en 1988. La performance était prévue de longue date afin de célébrer leur amour. Toutefois, le couple s’est séparé durant les préparatifs pour ladite expérience. Ils ont tout de même décidé de réaliser la performance. Chacun est parti d’un bout de la muraille et a marché 1250 km afin de rejoindre l’Autre. En effet, lui est parti du désert de Gobi et elle de la mer jaune. Ulay a particulièrement énervé Mariana lorsqu’elle a vu les images de son périple à lui puisqu’elle s’est rendu compte qu’il s’était parfois arrêté afin de regarder le paysage. Cela a enragé l’artiste serbe car selon elle « l’art ne doit pas être beau, il doit avoir du sens. »
Enfin, l’une de leur performance la plus célèbre à eux deux est lorsqu’il lui rendit visite durant sa performance The artist is present au Moma de New York en 2010. En effet, durant 3 mois, et ce huit heures par jour, soit 736 heures au total, Abramović a offert une minute de son temps à 75 000 personnes qui ont eu l’honneur de s’assoir en face d’elle et d’avoir son attention durant ce temps. Des célébrités telles que Lady Gaga et Jay Z lui ont rendu visite afin de profiter d’une minute de son temps. Un jour, Ulay, alors son ex-compagnon, lui rend visite et s’assoit en face d’elle. Elle fond en larme et ils s’enlacent devant les spectateurs du Moma qui applaudissent.
Malheureusement en 2020, Marina nous annonce sur son compte Facebook le décès d’Ulay : « Mon compagnon Ulay, l’homme avec qui j’ai parcouru le monde en espérant le changer, est mort ce matin 2 mars 2020. » Dans un second post, elle indique « c’était un artiste et un être humain exceptionnel, il me manquera profondément. Mais son art et son héritage vivront éternellement. »
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