Cette année, nous célébrons le centenaire du surréalisme. La pierre angulaire de ce mouvement est en effet posée par André Breton, avec la publication de son Manifeste du surréalisme en 1924. Au même titre que le dadaïsme, le surréalisme est une réaction face aux horreurs de la Première Guerre mondiale, et conteste ce qui est considéré comme rationnel.
D’abord littéraire, le mouvement essaime rapidement vers la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma…Le mot d’ordre est le rejet total de toute rationalité, de tout carcan. Les surréalistes souhaitent créer leur propre modus operandi, pour défricher de nouvelles zones inexplorées - l’inconscient développé par Freud irriguant beaucoup leur pensée.
Si des artistes tels que Dali, Max Ernst, Magritte, Miro ou encore Chirico sont des figures célèbres associées au mouvement, l’histoire féminine du surréalisme est souvent plus méconnue du grand public. Malgré leur rôle majeur, certaines artistes ont connu une reconnaissance tardive. Nous allons aujourd’hui nous intéresser à ces femmes.
Leonora Carrington (1917-2011)
A la fois peintre, romancière, sculptrice, militante, cette britannico-mexicaine a laissé derrière elle une œuvre profuse et protéiforme. Elle fréquente de très près le milieu surréaliste : compagne de Max Ernst, elle rencontre ensuite Paul Eluard et est photographiée par Lee Miller. Elle publie des contes et des pièces marqués par un humour noir. Quittant l’Europe pendant la guerre, Carrington se réfugie au Mexique, et se lie avec l’intelligentsia locale, comme Frida Kahlo.
Les fresques ainsi que la sculpture seront les médiums qu’elle privilégiera ensuite jusqu’à la fin de sa vie. Dans son autoportrait peint en 1937, elle se représente les cheveux hirsutes aux côtés d’une hyène. Dehors, un cheval galope, allégorie de la liberté.
Kay Sage, 1898-1963
Après avoir passé son enfance en Italie, cette peintre et poétesse américaine rejoint Paris pour se consacrer à son art. Elle y rencontre les surréalistes et épouse le peintre Yves Tanguy mais reste en marge du groupe. Le couple revient finalement dans le pays d’origine de Sage et achète une ferme dans le Connecticut.
Après la mort de Tanguy, elle fait une dépression nerveuse et écrit son autobiographie. Elle se suicide en 1963. Les cendres du couple sont dispersées au large de la Bretagne par leur ami Pierre Matisse, fils du peintre. Le tableau I saw three cities peint en 1944 chargé d’une atmosphère mystérieuse rappelle la Victoire de Samothrace, postée au milieu d’un désert.
Dora Maar (1909-1997)
Née en France, Dora Maar passe une partie de sa jeunesse à Buenos Aires avant de revenir à Paris. Là-bas, elle suit des cours dans plusieurs établissements dont l’académie Julian et les Beaux-Arts, qui dispensent les cours de manière mixte. Sa pratique photographique se développe enotamment au cours d’un voyage à Londres où elle capture les effets de la crise économique dûe au krach de 1929. Engagée politiquement, elle devient l’amante de Georges Bataille par le biais d’une association d’extrême gauche. Par la suite, elle rencontre Pablo Picasso, avec qui elle va avoir une relation toxique durant plusieurs années, étant à la fois muse et martyr. Délaissant les collages et photomontages, elle se tourne vers la peinture et le catholicisme. Ce photomontage nommé Main-coquillage est caractéristique de son oeuvre, mélange de sensualité et d’atmosphère inquiétante propre au surréalisme.
Jane Graverol (1905-1984)
Cette peintre belge est la fille d’Alexandre Graverol, peintre ayant fréquenté le mouvement symboliste parisien et des figures comme Verlaine. Après des études aux Beaux-arts, elle a rapidement une exposition personnelle. Ses influences comptent André Lhote et à partir de la Seconde Guerre mondiale Chirico et Magritte. Dès 1946, son œuvre est qualifiée de “surréaliste”. Elle est à l’origine de plusieurs revues (Temps mêlés, Les lèvres rouges). Elle rencontre plus tard André Breton et Duchamp, qui vont la marquer stylistiquement. Son oeuvre est reconnue et mise à l’honneur lors de plusieurs expositions. Le tableau Holy Spirit (1965) avec ce titre spirituel et ce motif de l’oiseau situé au niveau du pubis évoque une dimension de liberté du corps féminin, tracé par le relief des montagnes.
Dans le but de rendre un hommage plus complet et visuel à ces artistes ainsi que bien d’autres ayant nourri ce mouvement profondément fertile, probablement le plus complexe et fascinant du 20e siècle dans l’histoire de l’art, le Centre Pompidou a organisé une rétrospective. Il est en effet vital de se pencher sur ces talents ayant eu une influence considérable dans le développement du surréalisme et étroitement liées aux figures-phares que l’on connait tous aujourd’hui.
L'exposition Surréalisme, au Centre Pompidou, est visible jusqu'au 13 janvier 2025.
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