Dans le tumulte des carrières artistiques, la santé physique et mentale est souvent reléguée au second plan alors qu’elle représente un enjeu majeur. Entre rythmes effrénés, solitude créative et pressions sociales, comment préserver son équilibre ? Quel rôle pour l'entourage et les professionnels de l'industrie artistique ?
Découvrons comment concilier bien-être psychique, créativité et nécessités économiques dans une carrière artistique.
Déconstruire le mythe de l’artiste tourmenté.e
En 2021, l’INSAART - Institut de soin et d’accompagnement pour les artistes et techniciens - lance la première étude française sur l'impact psychologique des conditions d'exercice de l'ensemble des métiers du spectacle vivant et du divertissement. Cette étude révèle que parmi les 1325 personnes interrogées, 72% présentent un état dépressif et 37.5% montrent des signes d’un état anxieux. Ces chiffres interpellent sur le silence pesant et l'absence criante de solutions.
Le mythe de l'artiste tourmenté est une légende ancestrale qui prétend que la créativité naît de la souffrance et que l'inspiration émerge des ténèbres. Ce mythe, ancré dans notre histoire artistique, a teinté chaque métier de son empreinte, pesant lourdement sur la santé mentale des créateurs.
Réseaux sociaux, pérennité professionnelle, gestion émotionnelle, stéréotypes, addictions, troubles mentaux et précarité financière sont autant de thématiques qu’abordent Les Femmes S'en Mêlent et Manifesto XXI pour décrypter les effets de cette croyance toxique sur la vie des artistes et esquisser des pistes pour inverser la tendance.
Un rythme de travail intense
L’étude de l'INSAART révèle la difficulté des conditions de travail des artistes, avec des conséquences parfois délétères pour la santé physique et mentale. Les métiers artistiques créent un terrain fertile pour l'épuisement professionnel. Le sommeil, les rythmes de vie, la pression du succès sont des défis majeurs pour des artistes confirmés comme Stromae. Les horaires de travail atypiques, souvent nocturnes et incluant les week-ends, augmentent cette pression, surtout pour les artistes émergents qui jonglent souvent entre un emploi alimentaire et leur pratique artistique.
L'économie de la scène, devenue essentielle dans un paysage musical où la vente de disques décline, place les artistes sur des tournées éreintantes, défiant parfois les limites du bien-être et de la santé. Sur scène, les artistes donnent tout pour offrir un spectacle mémorable à leur public, mais derrière les lumières, les coulisses cachent une réalité moins glamour : des préparatifs frénétiques, des déplacements éreintants, des moments d'intimité rares et des absences prolongées loin de chez eux. Pour certains, ces tournées sont comme des bulles hors du temps, loin des réalités ordinaires, mais elles laissent souvent place à un sentiment de déracinement et à une dure réalité à leur retour.
La vie en tournée, avec son ambiance festive et son rythme effréné, peut masquer des problèmes profonds, comme l'usage excessif d'alcool et de drogues, longtemps glorifiés dans l'industrie musicale par exemple. Heureusement, la communication autour de la santé mentale évolue peu à peu, portée par des voix courageuses qui brisent le tabou. Bien que timidement initiée en France, cette prise de parole reste marquée par certaines réticences, témoignant des enjeux complexes qui persistent dans le monde artistique.
La précarité des artistes émergents
Dans le monde de l'art, l'émergence de nouveaux talents est souvent synonyme de lutte contre la précarité. Pour de nombreux artistes en herbe, la réalité quotidienne se résume à jongler entre les fins de mois difficiles et les aspirations artistiques. Contraints de vivre avec de faibles revenus, voire de dépendre des minima sociaux, ils se retrouvent souvent à jongler entre un emploi alimentaire et leur passion pour la création.
Cette précarité financière ne se limite pas à une simple question de budget, elle a un impact direct sur leur santé mentale. En effet, les soucis financiers sont une source constante d'anxiété, sapant souvent la confiance en soi et l'estime de soi des artistes émergents. De plus, ces difficultés financières restreignent leur accès aux soins, les laissant souvent seuls face à leurs problèmes de santé mentale.
D'après une enquête britannique, les nouveaux artistes rencontrent davantage de difficultés que leurs pairs plus expérimentés. Les soucis financiers sont bien sûr en tête de liste : ceux qui gagnent moins de 7 000 livres sterling par an ont deux fois plus de risques de souffrir de problèmes de santé mentale (35 %) que ceux qui gagnent 55 000 livres sterling ou plus (17 %), ce qui est assez logique. En outre, 47 % des musiciens aux prises avec des problèmes de santé mentale sont également endettés.
Cette réalité soulève des questions importantes sur le soutien à apporter à ces créateurs en herbe, ainsi que sur les politiques nécessaires pour garantir un environnement plus favorable à leur épanouissement artistique et personnel.
Dans un monde où la créativité et l'expression artistique sont célébrées, il est impératif de reconnaître les défis auxquels sont confrontés les artistes en matière de santé mentale. De la précarité financière aux pressions de l'industrie en passant par les rythmes de vie atypiques, ces défis sont bien réels et souvent négligés. Il est temps de reconnaître que le bien-être psychologique est aussi important que la réussite artistique, et de travailler collectivement pour soutenir ceux et celles qui enrichissent notre monde par leur créativité et leur passion.
La reco du Plug : L'INSAART propose des rendez-vous d'écoute et de soutien psychologique aux professionnels des métiers de la culture, en présentiel ou en visio.
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