Plongeons au cœur de la Polynésie, entre mysticisme et nature luxuriante, à la découverte du chef-d'œuvre intrigant de Paul Gauguin, Le Sorcier d'Hiva Oa.
Cette toile captivante nous transporte dans l'univers fascinant de l'artiste, dévoilant des facettes inédites de sa vie et de son immersion au sein de la culture polynésienne. En explorant ce tableau empreint de symboles, nous nous aventurons dans les méandres de l'esprit de Gauguin et déchiffrons les mystères qui entourent ce sorcier emblématique.
Qui était Paul Gauguin ?
Paul Gauguin, le peintre postimpressionniste du XIXe siècle, a laissé une empreinte indélébile sur le monde de l'art.
Né en 1848, Eugène Henri Paul Gauguin passe une partie de son enfance au Pérou, avant de revenir en France à ses 7 ans. Il poursuit ses études, avant de s’engager dans la marine nationale. Il participe à la guerre de 1870, puis quitte la marine pour devenir agent de change à la Bourse de Paris. Il fonde une famille avec Mette-Sophie Gad, une jeune Danoise, et ils ont cinq enfants : Émile, Aline, Clovis, Jean-René, et Paul-Rollon.
Son intérêt pour la peinture impressionniste naît en 1874 lors de sa rencontre avec le peintre Camille Pissarro. En 1882, Gauguin prend la décision de devenir peintre à temps plein, abandonnant son poste de courtier en bourse. Il s'installe avec sa femme et ses enfants à Copenhague, chez les parents de celle-ci, cherchant une vie plus abordable. Gauguin retourne seul à Paris, puis se joint à Camille Pissarro à Rouen en 1884, produisant pas moins de 40 tableaux de la ville. De retour à Paris en 1886, il rencontre Vincent Van Gogh pour la première fois.
S'ensuivent plusieurs voyages, d'abord au Panama, puis sur l'île de Taboga, et enfin en Martinique, où il crée 17 tableaux, émerveillé par cette île. Malheureusement, son état de santé se détériore gravement à la suite de ce périple, le contraignant à retourner en métropole en 1887.
Il rejoint par la suite Vincent Van Gogh à Arles, marquant le début du célèbre duo Gauguin - Van Gogh. Durant deux mois, ils passent leur temps à peindre, se concentrant notamment sur la série Les Alyscamps. Cependant, cette cohabitation s'avère destructive pour les deux artistes, conduisant à plusieurs tentatives de suicide. Gauguin retourne alors à Paris, où il réussit à vendre un grand nombre de ses œuvres, amorçant ainsi une nouvelle vie à Tahiti, colonisée depuis peu par la France.
Dès son arrivée à Tahiti, Gauguin entame une série de tableaux très influencés par la culture polynésienne, notamment le célèbre D'où venons-nous, Que sommes-nous?? Où allons-nous?? Il s’essaye également aux sculptures en bois. Il fait ensuite la connaissance de sa muse, Teha'amana, âgée de seulement treize ans, avec qui il entame une relation amoureuse. (NDLR : Gauguin est alors âgé de 43 ans). Il peindra pas moins de 70 toiles sous son influence, parmi lesquelles Quand te maries-tu? ou encore Merahi metua no Tehamana (Les Aïeux de Tehamana). Gauguin écrit avoir trouvé en Teha’amana une enfant “de plus en plus docile et aimante”. Il se félicite dans sa correspondance auprès de ses amis des prouesses sexuelles de ses partenaires.
Vivement critiqué pour sa relation pédophile, il rentre en France en 1893. Il se blesse à la jambe, devient boiteux et souffre de douleurs chroniques qu'il doit traiter par de nombreux médicaments.
Il retourne à Tahiti deux ans plus tard, où il reprend ses pratiques pédophiles. Dans son refuge polynésien, Gauguin se comporte en colon ordinaire, vindicatif à l'égard de l'administration, méprisant les indigènes, porté sur l'alcool et gavé de chair juvénile rémunérée. Il y rencontre Pau'ura, une jeune polynésienne alors âgée de quatorze ans, qui lui donnera un fils. Gauguin les abandonnera tous les deux pour rejoindre les Marquises, précisément l’île d’Hiva Oa.
Dès son arrivée aux Marquises, il enlève Marie-Rose Vaeoho alors âgée de 14 ans et fait d’elle sa compagne. Ensemble, ils auront une fille, que Gauguin abandonnera également. A Hiva Oa, Gauguin construit sa maison qu'il appelle "Maison du Jouir" en provocation à la société marquisienne. Toujours en conflit avec l'administration polynésienne et marquisienne, l'artiste ne tarde pas à s'affaiblir de jour en jour. Le 8 mai 1903, Paul Gauguin meurt de misère, de syphilis et d'alcoolisme.
Décryptage : Le Sorcier d'Hiva Oa
Au cœur de la collection de Gauguin se trouve Le Sorcier d'Hiva Oa, une œuvre enchanteresse aux détails captivants. Cette peinture, créée en 1902, dépeint un personnage mystique du folklore polynésien. A travers ce tableau, Gauguin rend compte d'une scène à laquelle il a assisté : la capture d'un Porphyrio Papae. En véritable maître de l'expérimentation artistique, il utilise des couleurs vibrantes et des formes exotiques pour donner vie à son sujet.
Le sorcier, positionné en véritable axe de symétrie au cœur de la toile, se dresse fièrement dans un décor de sous-bois. Ce paysage forestier, Gauguin l'a représenté à plusieurs reprises, que ce soit dans L'Appel (1902) ou dans L'Incantation (1902), où l'on retrouve cette clairière entourée d'arbres et le ruisseau bordé de rochers à proximité.
L'inc
Avec son expression énigmatique et ses traits délicats, accentués par une longue chevelure noire ornée de fleurs de frangipanier, le sorcier capture l'essence mystique de la culture polynésienne. Vêtu d'une tunique bleue et d'une cape rouge couvrant ses épaules, il tient dans sa main un rameau vert rappelant ses liens étroits avec la nature. Outre les couleurs inversées de ses vêtements, ce personnage se présente comme le doppelgänger du protagoniste de L'Incantation. Certains l'identifient à Haapuani, le meilleur danseur du village et sorcier renommé qui initie Gauguin aux rituels et coutumes de l'île.
Dissimulées derrière un arbre, deux femmes à la tête voilée assistent discrètement à la scène. Ces deux figures féminines ont déjà été représentées par Gauguin dans L'Appel (1902), adoptant les mêmes postures, un mouchoir cachant le visage pour l'une et un regard en coin pour l'autre.
Comme pour la plupart des compositions de Gauguin, la toile peut être scindée en deux parties distinctes. Alors que la partie gauche du tableau est caractérisée par la présence humaine, avec le sorcier et les deux femmes ; la partie droite de l'œuvre appartient au royaume de la nature : un sous-bois, une rivière, et en premier plan, un chien et un oiseau bleu et vert au bec jaune orangé.
Seul un chien, tenant dans sa gueule un oiseau multicolore, vient perturber ce calme. Cet oiseau, le Porphyrio Papae, une espèce aujourd'hui éteinte, a été documenté sur l'île grâce à des découvertes d'ossements par des paléontologues à la fin des années 80. En représentant cet oiseau, Gauguin a permis de résoudre une énigme de cryptozoologie - la science étudiant les espèces disparues. Grâce à cette peinture, les chercheurs ont conclu que l'oiseau n'avait pas encore disparu au début du XXe siècle. Ainsi, cette œuvre, témoignage de la fin de la vie du maître, devient également le reflet d'une époque révolue.
Cette œuvre transcende les frontières de l'art pour devenir une fenêtre sur la spiritualité polynésienne. Inspiré par le mysticisme tahitien, Gauguin explore la connexion entre l'homme et la nature, plongeant le spectateur dans un univers où le réel et le mystique s'entrelacent.
Cependant, la complexité de l'œuvre de Gauguin nous rappelle également l'importance de contextualiser l'artiste lui-même. Sa vie tumultueuse, marquée par des relations controversées et son comportement problématique, notamment envers des jeunes polynésiennes, soulève des questions éthiques et morales.
En examinant son héritage artistique, il est essentiel de reconnaître ces aspects troublants de sa vie personnelle. L'œuvre de Gauguin, bien que captivante, doit être appréhendée avec une compréhension nuancée de l'homme derrière le pinceau. En mettant en lumière ces facettes souvent ombragées de son histoire, nous invitons le spectateur à une réflexion plus profonde sur la relation complexe entre la vie personnelle d'un artiste et son impact sur sa création artistique.
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