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La Critique de : Adolescence (2025)


Sorti le 13 mars, le raz-de-marée « Adolescence » a déjà conquis un bon nombre d’entre vous. Cette mini-série de 4 épisodes réalisée par Philip Barantini et sur une idée de Jack Thorne et Stephen Graham a fait une entrée très bruyante dans le catalogue Netflix et dans la critique. Pour son histoire entraînante ainsi que la performance XXL des acteurs et des équipes pour proposer 4 épisodes d’une heure en plan-séquence, la série a su se faire remarquer et soulever un débat central au Royaume-Uni.


Netflix, Adolescence / Official Trailer / Netflix, 24 février 2025


Les épisodes nous plongent dans l’histoire de Jamie Miller et son entourage, un jeune garçon de 13 ans, accusé de l’homicide d’une camarade de classe. On suit son arrestation et tous les personnages qui gravitent autour de cette affaire, allant de sa famille aux enquêteurs, mais aussi aux proches de la victime. À chaque scène, on découvre un tableau psychologique des impliqués et surtout le soulèvement de toutes les questions autour de l’adolescence, de l’influence d’internet et du harcèlement. Avec cette intrigue très réaliste et l’importance de l’entourage dans l’affaire — un cadrage peu commun dans les séries policières où l’on a plutôt tendance à se concentrer sur les victimes ainsi que les suspects et la confrontation de ces deux parties — la série avait donc déjà un bon bagage pour être bien reçue par la critique. Ajoutez à cette recette la justesse avec laquelle elle traite des questions d’actualité, la psychologie des personnages et surtout une mise en scène extraordinaire qui nous implique à 200 % dans l’affaire.





Cette prouesse a nécessité un temps de travail absolument gigantesque avec des semaines de répétitions pour chaque épisode


C’est certainement ce qui sublime le plus cette mini-série : le plan-séquence. Très utilisée dans le cinéma, cette technique consiste à filmer en une prise de vue unique un plan qui se déroule sur plusieurs endroits en même temps ou plusieurs lieux successifs. Pour le dire plus simplement, c’est une scène filmée sans coupure en suivant les personnages dans l’espace. Cette technique, déjà utilisée au début du cinéma par des réalisateurs comme Giovanni Pastrone ou encore Abel Gance mais de manière très expérimentale, est surtout popularisée par le légendaire Alfred Hitchcock dans son film « La Corde », où il propose un film entier tourné en une seule prise. On peut considérer cela comme un faux plan-séquence, car il y a quelques coupures cachées, mais en 1948, à la sortie du film, c’était évidemment une révolution. Cette utilisation du plan-séquence est maintenant beaucoup plus démocratisée, dans des scènes de quelques minutes ou encore des films entiers comme « 1917 » de Sam Mendes ou « Birdman » d’Iñárritu. Et bien sûr, au-delà d’une prouesse technique, le plan-séquence est un véritable apport narratif et visuel : cela va créer de l’immersion ; nous, spectateurs, sommes totalement plongés dans l’action en temps réel. Ça permet aussi de renforcer la tension : l’absence de coupure va maintenir une pression continue. Enfin, comme dans la série qui nous intéresse aujourd’hui, le plan-séquence permet de mettre en valeur la performance des acteurs. Dans une scène de plusieurs minutes sans coupure, ces derniers sont contraints de rester dans le jeu en continu, ce qui nous offre des scènes très naturelles ou très intenses. On peut de manière logique souligner la performance de l’acteur incarnant Jamie Miller, Owen Cooper qui joue de façon somptueuse alors qu’il n’a que 15ans, d’autant plus que l’on sait que certains échanges durent une quinzaine de minutes. C’est donc en partie cette utilisation du plan-séquence qui propulse la série dans une autre dimension, car cette prouesse a nécessité un temps de travail absolument gigantesque avec des semaines de répétitions pour chaque épisode.



Still Watching Netflix, The making Of Adolescence: The One-Shot Explained / Netflix, 18 Mars 2025


Et cette chorégraphie très bien huilée nous offre donc un ballet magnifique de cadreurs et d’acteurs qui ont chacun un rôle tout aussi important. Certains passages ont nécessité une technique encore plus poussée, lorsque la caméra est attachée à un drone pour virevolter et se retrouver 500 m plus loin afin de continuer de tourner l’épisode, par exemple. Et cette utilisation du plan-séquence est maîtrisée à la perfection : la caméra danse, bouge, se balade, enchaînant des plans larges et des plans plus resserrés pour nous apporter une fluidité exceptionnelle dans le récit et nous immerger totalement dans cette affaire et ses rouages. Sans compter le travail extraordinaire des acteurs, avec une justesse épatante dans des scènes parfois très longues où ils doivent passer par un panel d’émotions ultra large.




Le point de départ d’un débat dans la société anglaise


En plus de cette proposition artistique et narrative, la série s’est imposée comme point de départ d’un débat dans la société anglaise. Avec les crimes au couteau, maintenant très récurrents dans les rues de l’Angleterre, la série reprend des thèmes très actuels, traitant du harcèlement, des réseaux sociaux et des rapports que l’on développe pendant cette période de l’adolescence. La série met en lumière non pas la responsabilité de l’assassin mais tout ce qu’il y a autour, et responsabilise la société, l’école, la famille. Cette œuvre est bien ce que l’on peut appeler une série phénomène, jusqu’à se glisser dans les dossiers du Premier ministre britannique Keir Starmer, qui a pris la décision de diffuser cette mini-série dans les écoles secondaires pour sensibiliser les adolescents et « aider les élèves à mieux comprendre l’impact de la misogynie, les dangers de la radicalisation en ligne et l’importance de relations saines », comme le déclare son bureau.


    Keir Starmer avec le co créateur Jack Thorne, BBC
Keir Starmer avec le co créateur Jack Thorne, BBC

Au-delà d’une œuvre banale que peut produire Netflix, la série « Adolescence » s’est révélée comme un phénomène d’une part technique par la proposition artistique qu’elle met en avant, mais également par les questions qu’elle a pu soulever dans le débat public anglais. La série se place presque comme un lanceur d’alerte sur ces dangers aujourd’hui banalisés et remet au centre du débat l’importance, pour les institutions comme pour les familles et les écoles, de prendre en compte les relations et les agissements que les jeunes peuvent avoir sur Internet. Et évidemment, si vous voulez profiter d’une série assez courte, d’une réalisation choc et d’une histoire extrêmement entraînante par sa mise en scène et ses jeux d’acteurs, alors « Adolescence » est la série sur laquelle vous devriez occuper votre semaine !


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