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La Critique : Grünt #68, de Mairo

Quand j’ai ouvert la 4ᵉ case de mon calendrier de l’Avent, j’ai eu droit à 51 minutes et 14 secondes de hip-hop sans interruption. C’est la proposition stratosphérique de Mairo pour le Grünt #68. Visuel éclatant, prods variées et surtout une finesse d’écriture et une technicité impressionnante : voilà ce qu’offrent très souvent ces sessions freestyle signées Grünt. Et si vous ne connaissez pas encore ce média incontournable de la scène rap francophone, retour en arrière jusqu’au 1er février 2012.




Un hommage au rap


Un appart rempli de bières, une qualité vidéo digne des archives d’Internet, quatre micros et surtout un groupe de potes qui freestyle pendant 36 minutes autour d’une table : voilà les débuts de Grünt. Jean Morel, alors chez Radio Nova, rassemble sa bande de pote passionnés de rap et de son pour créer un nouveau média, inspiré des open mics et des sessions freestyle qui reviennent en force dans les années 2010. Son ambition ? Recréer l’énergie brute des freestyles radio, où les rappeurs se passent le micro sans interruption, un exercice redoutable pour ceux qui se frottent aux sessions Grünt. C’est donc dans l’appartement de Jean que tout commence, avec des figures comme Nekfeu, Keroué, Lomepal et James Legalize, marquant le point de départ des 69 sessions freestyle qui suivront.


Grünt, Keroué (Fixpen Silk), Nekfeu, Lomepal, James Legalize | Grünt #1, 1 février 2012


Le principe est simple : se réunir autour d’une passion commune, la musique, et plus précisément le rap. Pas question de parler d’auditeur pour être invité, ici seuls comptent la technique, la qualité et la capacité à rapper. C’est ainsi que Grünt s’est imposé comme un acteur unique, révélant des talents avant le reste de l’industrie. Aux débuts, ce sont principalement les membres de L’Entourage et du collectif 1995 qui enchaînent les sessions : Alpha Wann, Doums, Nekfeu, mais aussi Georgio et Lomepal, signent des freestyles devenus mythiques, cumulant aujourd’hui des milliers, voire des millions de vues sur YouTube.


Grünt, Areno Jaz, Lomepal, La Mannschaft, Doums, Framal | Grünt #2, 19 février 2012


Si la qualité vidéo n’a pas toujours été au rendez-vous, la qualité sonore, elle, a été un point fort dès le début. Aujourd’hui, Grünt est devenu un incontournable du paysage hip-hop, proposant interviews et freestyles avec une réalisation plus soignée, des lieux emblématiques et une mise en avant d’artistes aujourd’hui bien ancrés dans le rap français. Le média a donné la parole à NeS, Yvnnis, LaFève, Wallace Cleaver ou encore Zamdane.


Grünt, NeS | Grünt #52 (Yannis, Gius & Deemax), 5 octobre 2022


Le média n’hésite pas non plus à aller à la rencontre de son public avec des événements comme le Grünt Festival ou le Grünt d’Isha au Bataclan.



Grünt, ISHA ( Doums, Limsa d’Aulnay, Slkrack, A2h, Aketo, Myk, Zek, Hash 24, Raph GPW) | Grünt #55, 15 décembre 2022


En bref, Grünt, c’est l’art de faire du neuf avec du vieux, de donner la voix aux amoureux de la musique et de révéler de nouveaux artistes issus de toute la francophonie. Sa mission principale c’est surtout de rassembler les gens autour d’une passion commune : le rap.





La magie de Mairo


Maintenant que vous êtes bien au fait de ce qu’est Grünt, il est temps de plonger dans la performance de Mairo pour le Grünt #68.



Grünt, Mairo | Grünt #68, 4 décembre 2024


Si les rappeurs invités ont souvent tendance à ramener leur équipe pour partager l’expérience et multiplier les styles, le Genevois, lui, a choisi d’affronter l’exercice en solo, livrant l’intégralité de son talent musical. Déjà apparu dans le Grünt #50 de H JeuneCrack et le Grünt #57 de Wallace Cleaver, il était temps qu’il ait enfin une session rien que pour lui. Et il n’a pas déçu : 51 minutes de freestyle sans interruption. Une première pour le média, tant en durée qu’en performance individuelle.


Au-delà de ses capacités de freestyler, Mairo offre une expérience visuelle marquante : un écran derrière lui diffuse des extraits vidéo tout au long de la session, tandis que l’ambiance de la salle évolue jusqu’à le voir s’asseoir sur un trône médiéval. Il pose sur 22 instrumentales différentes, prouvant sa capacité à s’adapter à tout style et à découper chaque prod avec aisance. Ses influences sont multiples et se ressentent dans son texte :

« Les influences, c’est comme les étrangers, venues de partout » (Mairo, Grunt #68).


Son niveau technique est tout aussi impressionnant que son endurance : il rappe sans texte, sans pause, sans bégaiement, enchaînant rimes riches et images frappantes :

« Au micro je fais des dingueries et en 3 mots je fais 5 images » (Mairo, Grunt #68).

Chaque minute regorge de punchlines, et lui-même le dit : pendant 51 minutes, on assiste à la performance d’un extraterrestre qui « se concentre sur ses A-B-B-A et ses BPM ».

Alternant passages ultra-agressifs, comme sur la prod de Kream, sonorités plus douces sur celle d’Hôpital et un phrasé hyper entrainant la minute d’après sur le beat de Mooch et Rim’K, Mairo maîtrise un large spectre technique, créant des atmosphères variées tout au long du freestyle. Son texte reflète aussi une revanche sur un monde inégalitaire, comme en témoignent l’insertion d’un extrait d’interview d’un réfugié ou encore certaines punchlines :

« Fils d’immigrés mais je maîtrise le français comme pas permis, c’est ma revanche de leur zermi » (Mairo, Grunt #68).

Mais avant tout, Mairo, comme toutes les personnes affiliés à Grünt, c’est un passionné de rap, ce qu’il rappelle plusieurs fois dans son texte : « À part le rap j’ai aucune passion ».





Bref, Mairo a offert un véritable cadeau aux fans de hip-hop et a fait rayonner le rap. Sa performance va très certainement marquer les freestyles de Grünt, tant par sa qualité que par sa puissance et son originalité. Déjà à 360 000 vues, ce freestyle mérite de continuer à exploser pour que l’on mesure pleinement l’étendue du talent de Mairo.

En attendant la sortie de son projet le 21 février prochain, on retourne écouter ce classique en boucle !

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